Même s’il n’est plus possible de réaliser un investissement locatif en loi Borloo, ce dispositif ayant été abrogé par la loi de finances de 2010 au profit du dispositif Scellier (ce dernier ayant également été remplacé…), il est intéressant d’y porter un regard attentif. D’abord parce que le dispositif Borloo est un ancêtre de la loi Pinel actuelle. Mais également parce la complexité apparente de cette loi était essentiellement due à une confusion entre deux dispositifs ; la loi Robien et ses dérivés (et notamment le Robien recentré) et la loi Borloo populaire.
Avant la mise en place de la loi Borloo neuf, ou Borloo populaire, les investisseurs ont connu la loi Robien classique, permettant l’amortissement de 50 % de la valeur d’acquisition du bien venant en déduction des revenus fonciers pendant une période de 9 années, prorogeable sur un maximum de 6 ans supplémentaires. A la suite de cette loi, le législateur a modifié le texte pour créer le dispositif Robien recentré. Cette fois, si l’amortissement concernait toujours 50 % de la valeur du bien, la durée d’amortissement tombait à 9 ans fermes. Il n’existait aucune possibilité de proroger l’amortissement.
Si l’on évoque ces lois Robien, c’est que le dispositif Borloo populaire n’était accessible que si l’investisseur avait déjà choisi l’option Robien recentré. Ces deux lois ont été effectives pour des investissements immobiliers locatifs réalisés entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2009. Mais à la différence du Robien recentré, le dispositif Borloo permettait d’amortir jusqu’à 65 % du bien acquis sur une période de 15 ans. Et, mieux encore, une déduction forfaitaire de 30 % (en plus des frais réels) venait s’appliquer sur les revenus fonciers, ce qui avait pour effet de garantir le déficit foncier à coup sûr. Ce déficit foncier venait ensuite en déduction des revenus du foyer fiscal (dans la limite de 10 700 € par an), permettant la réduction de l’impôt sur le revenu.
Dans le principe, donc, la loi Borloo populaire emprunte beaucoup à la loi Robien et s’avérait être une disposition fiscale très attrayante. Mais elle engendrait également quelques contreparties. Le logement devait être loué exclusivement nu et à titre de résidence principale pendant au moins neuf ans… Et avec des loyers plafonnés. De fait, dans la loi Borloo populaire, les locataires étaient soumis à plafonds de ressources, définis par décret. Outre l’engagement de location, l’investisseur devait donc justifier des ressources du locataire en joignant à sa demande sa propre déclaration de revenus et une copie de l’acte d’imposition de son locataire. Pour finir, le locataire choisi pour occuper le logement ne devait en aucun cas être un proche du propriétaire bailleur.
D’un côté, en Robien recentré, un amortissement limité à 50 % sur 9 ans fermes, mais une souplesse dans les loyers et la possibilité de louer son bien à un proche. De l’autre, en Borloo populaire, un amortissement pouvant aller jusqu’à 65 % de la valeur du bien et une déduction forfaitaire des revenus fonciers mais une soumission à plafonds de loyer et l’impossibilité de faire profiter de sa nouvelle acquisition immobilière à un membre de sa famille. Des avantages fiscaux plus intéressants, mais des contraintes plus fortes.
On l’a compris, la loi Borloo disposait d’avantages fiscaux non négligeables, pour peu que l’on respecte les contraintes liées à son application. Dans les faits, les contraintes liées aux plafonds de loyer n’étaient pas si importantes. En effet, les ressources maximales exigées pour les locataires correspondaient aux ressources de la majorité des foyers français. Malgré tout, ces plafonds ont été abaissés par rapport à ceux mis en place dans le cadre de la loi Robien classique. En effet, ces derniers n’étaient pas en phase avec la réalité du terrain, parfois même plus élevés que les loyers réels constatés sur les marchés locatifs de nombreuses villes. Ces plafonds de loyer trop élevés ont même été la source de graves problèmes. Imaginant pouvoir louer leurs biens locatifs à la hauteur de ces plafonds, les investisseurs se sont rués sur le Robien classique, promesse d’une rentabilité exceptionnelle, avant de déchanter, faute de locataires capables d’assumer des loyers aussi élevés. En abaissant ces plafonds de loyer, la loi Borloo a donc permis de rééquilibrer le marché et de ramener promoteurs et investisseurs à la réalité des marchés locatifs.
Dans les faits, le plus grand risque engendré par cette loi Borloo populaire était lié à une question d’éthique. Certes, on pouvait toujours craindre un promoteur immobilier retors, prêt à tout pour vendre un bien mal situé en promettant pourtant un taux d’occupation proche de 100 %. Mais pour bénéficier du dispositif, c’est bien le propriétaire-bailleur qui devait joindre la déclaration d’impôts de son locataire, prouvant ainsi qu’il respectait scrupuleusement le plafond de ressources exigé. N’importe quel investisseur privé était donc en possession des données personnelles de ses prétendants locataires. Et pire, des originaux de ses documents fiscaux officiels…